Qu'elle était jolie !
Qu'elle était jolie !, ou le piège de la séduction
Un conte sentimental . Par Daniel Jardin, Mai 2017
(On parie que vous le lirez deux fois ?)
C'était il y a déjà... quelques années. Par une belle journée de printemps, je roulais tranquillement sur la route nationale entre Béziers et Narbonne, quand je la vis sur le bord de la route, joliment vêtue de rose, et qui, affichant une fière allure, semblait poser comme une star, légèrement cambrée, adossée contre un mur de chaux.
Elle semblait vouloir attirer vers elle toutes les bonnes âmes du monde. Elle avait une ample chevelure, qui flottait doucement au vent, et des atours d'une grande fraicheur de couleur vert amande. Au début, je suis passé sans même la regarder, laissant aux piétons et aventuriers en tous genre, le soin de l'admirer de plus près et de profiter de ses charmes. Puis les jours passèrent, la mutine s'était adjointe la compagnie de quelques consœurs, toutes aussi fringantes, vêtues quasiment toutes des même tons engageants. Je me dis alors que même de petite vertu, celle-ci était peut-être bénéfique pour moi, célibataire endurci, qui me trouvais souvent nerveux et anxieux.
Cette fois n'y tenant plus, je me garai près d'elles , hors de la vue de la marée-chaussée, et leur tins à peu près ce langage:
"Holà mes jolies, que faites-vous donc dans ce lieu inhospitalier à la merci de tous les dangers ?. Cette vie n'est pas celle que votre beauté mérite !". L'une d'elles se fit alors plus fringante, sa chevelure plus mobile sous les assauts du vent et toucha mon âme au plus profond. Elle m'avoua souffrir du soleil et de la chaleur naissante, et je fus pris de pitié. A l'époque, je vivais seul dans mon grand domaine avec bien sûr, ses quelques soucis, et sa compagnie adoucirait mes journées un peu tristes. Je lui proposai donc de la recueillir, en lui promettant de la soigner du mieux du monde dans mon domaine et de lui apporter un amour véritable pour qu'elle ne manque plus jamais de rien. Malgré son maigre bagage et tout son passé, elle était ancrée semble-t-il profondément dans son lieu d'élection. Mais la petite, d'abord très réticente comprit rapidement que son avenir était peut-être lié à mon désir de lui rendre la vie plus belle et se laissa ravir au vu de mes arguments matériels, -ce n'était pas seulement une question de ressources-, et des sentiments que je lui proposais. J'avais opportunément dans ma voiture de quoi la décider rapidement. Elle ne résista pas longtemps à ce dernier argument et finalement y prit place confortablement . Elle ne me révéla point pour autant son joli prénom ! . Je ne l’appris que plus tard, incidemment, par indiscrétion, en feuilletant un almanach.
De retour à la maison, je lui proposai de résider au meilleur de mon domaine. Elle ne se fit pas prier, mais souffrit quelque temps de la brutale séparation qu'elle avait endurée. Elle sembla un temps se réfugier dans l’indifférence la plus totale. Cependant, je la soignai de mon mieux,en lui apportant tout mon amour et les bienfaits nécessaires à l'épanouissement de sa jeunesse . Je lui parlai souvent. Le calme, les douceurs que je lui apportai chaque jour lui rendirent rapidement la vigueur et la beauté qui m'avaient tant séduit. Elle me remercia en devenant chaque jour plus jolie et m’attirant chaque fois auprès d’elle, pour les chaudes soirées d’été. Son parfum m'envoûtait. Bref j'étais tombé amoureux.
Mais, les jours et les semaines passèrent, les mois se firent longs, et la petite commença à s'étioler. Un matin d'automne je ne la vis plus si belle, elle semblait avoir terriblement vieilli, Les caprices du temps l'affaiblirent rapidement, et elle s'enferma de nouveau dans un mutisme qui me fit craindre le pire. Je compris alors que les beaux jours étaient finis et que je devrai peut-être passer les frimas de l'hiver sans sa compagnie. . Quelques jours plus tard, c'était fini. Elle m’avait quitté et cessé de répandre autour d'elle sa joie de vivre qui faisait battre mon cœur. Je me contentai de lui conserver du mieux possible la place que son éclat avait occupé
Un matin d’avril, sans savoir pourquoi, elle reparut à ma porte, toute menue, accompagnée d'une timide poussée de son parfum, et je repris espoir.
Je compris alors que j'avais eu raison de la recueillir, et que sa reconnaissance était ma récompense.
Mais , cette euphorie fut rapidement troublée par un évènement imprévu. La sournoise avait amené ses enfants dans ses bagages
Quelques petites gamines s'étaient invitées, sans rien demander à personne, et surtout pas au maitre des lieux! Quoi, je la croyais douce, dévouée, honnête, et voila qu'elle envahit mon espace de vie, en prenant avec sa famille la place de mes propres amies !.
Au début ces petites ne semblaient certes pas trop exigeantes, mais rapidement, ells demandèrent à recevoir les mêmes soins que leur mère indélicate. EIles jouaient à cache-cache dans les moindres recoins, épuisant rapidement les provisions mises à la disposition des autres occupants que j'avais cru distraire en invitant la belle. Je ne pouvais plus leur fournir l'attention que j'avais déployé jadis pour leur mère. Tout mon domaine devint alors le théatre des pires méfaits de cette ribambelle de gamines, qui capturaient les abeilles, et les insectes les plus redoutables, éloignant les oiseaux. Je ne voyais plus mes amies les plus fidèles du voisinage, qui désertaient ces lieux encombrés. Je dus me résoudre à me séparer de ces indélicates avec regret, mais fermeté et tentai de les chasser sans trop les meurtrir.
Alors cette frénésie de vie ne s’arrêta pas à mon seul domaine, Au fil des années, toute cette marmaille déborda hors du village, parcourant les routes, les chemins, offrant leurs charmes à tout va aux passants, tout comme leur mère. Il n’y a plus aujourd’hui un seul recoin de nos routes qui ne soit envahi par ces encombrantes , mais toujours aussi jolies .... fleurs sauvages, que l’on appelle “ Valériane ”. Les pierres, les fossés, les talus, souvent si laids sont maintenant recouverts de ces agréables touffes colorées, de blanc, de rose, de rouge, pour le plaisir de nos yeux, et le repos de nos cœurs. Les botanistes l’appellent également la “ centranthe ” , Elle a éffectivement des vertus sédatives et relaxantes, mon intuition du début était bonne !
Hé oui, Valériane, sauvage tu es née, sauvage tu dois rester. et je n'ai pas le cœur à te faire souffrir toi et tes enfants par des méthodes de régulation horticoles drastiques Je regrette maintenant d'avoir cédé à ton charme, et de n'avoir pas compris que ta place était parmi tes semblables, que tu n'est pas vraiment de notre monde, celui des jardiniers, et que chacun d'entre nous peut cacher un apprenti sorcier...
Méfiez-vous aussi de celles que l'on appelle Marjolaine, Églantine, Violette, Marguerite, Mélisse, Liane etc... Ce sont des profiteuses, restez vigilants , les soucis de votre jardin fleuriront mieux !
Maintenant que vous savez tout, je parie que vous allez relire ce joli conte, et je suis sûr que vous y découvrirez une toute autre aventure !
Date de dernière mise à jour : 09/06/2017
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